Mai 2023 :
Le film américain "Showing up" de Kelly REICHARDT fait partie de ces chefs d'oeuvres du cinéma, celui des situations, des évènements banals auxquels toutes et tous pouvons être confrontés dans notre vie quotidienne, souvent sans relief. C'est le cinéma des gens rendus un peu marginaux, un peu décalés par la course folle que mènent nos pays riches occidentaux. Ils s'arrangent, ils se disputent, ils se débrouillent et se trahissent. Les petites lâchetés, les mensonges, les ratages à la fois cimentent et désagrègent les relations amicales, familiales, professionnelles. On pourrait dire : qu'espérer encore? dans ce désastre. Alors, il reste à l'artiste Lizzie la préparation fébrile de la prochaine exposition de ses sculptures, figurines qu'une étudiante du collège des beaux-arts de Portland qualifiera de féministes. Elle se débat comme un beau diable contre les aléas qui parasitent et vampirisent le manque de temps qu'il lui reste pour montrer et valoriser son travail de création.
Mars 2023 :
A la Galerie éphémère, 66 rue Mirebeau à Bourges, que dirige Sylvie Boucard, j'ai pu voir et découvrir l'exposition "Cheminements" des oeuvres de l'artiste plasticienne Danielle Laffitte. Toiles de grands et petits formats carrés nous offrent un travail abouti sur les lettres et leur inscription dans le champ de la toile, sur les traits et leurs valeurs graphiques. Les leporellos sont de toute beauté. La structure de la page, sa partition, s'en trouve bouleversée par le cheminement aléatoire d'écritures dispersées, cisaillées, disséminées au gré de blocs et de contrastes. Les lignes s'effacent, l'ordre se rompt selon les juxtapositions et les mouvements de signes tracés, dansés, écrits. Magnifique.
Le 16 mars, un climat de révolte planait à la MCB (Maison de la Culture de Bourges). Sur fond d'écran sur lequel nous pouvions lire en lettres capitales "Non à la réforme des retraites", le personnel - agents techniques, administratifs et d'accueil - a cité les établissements culturels de toute la France qui poursuivaient la lutte pour le retrait de la réforme et a exposé les arguments justifiant cette lutte. Applaudissements nourris de la salle. Nous étions dans l'ambiance. L'ironie avec laquelle Catherine Hiegel a interprété la pièce "Les règles du savoir-vivre dans la société moderne" est délicieuse. Rires, gloussements de la salle ont finement et joyeusement répondu aux mots et aux tournures caustiques dont Jean-Luc Lagarce* a émaillé et ciselé un manuel de bonnes manières rédigé par une baronne à la fin du XIXème siècle. C'est drôle, puissant, terrifiant à la fois. Le jeu de la comédienne est tissé de ponctuations provocatrices, de silences et d'envolées complices avec le public. Les déplacements, tantôt soumis, tantôt rebelles, de son corps, s'inscrivent dans le dédale d'allées rectilignes et parallèles, tracées par le positionnement évolutif, dans l'espace de la scène, de tables rectangulaires. La femme semble prise dans un labyrinthe et semble s'en défaire. Elle pousse, tire, soit sèchement, soit délicatement, la masse de ce mobilier et joue avec l'objet-icône bouquet de fleurs. Grâce à la mise en scène de Marcial Di Fonzo Bio, nous accédons à la subtilité de la pièce qui repose sur l'association du guide préservé dans la brutalité et le ridicule de sa forme et des commentaires acides et insolents du dramaturge. De quelle imagination fertile en contraintes, en règles, en obstacles ce manuel fait preuve! C'en est effrayant. L'interprétation et la mise en scène agissent sur nous, en nous, frontalement. C'est une mise à nu du pouvoir de domination des institutions, de leurs traditions, de leurs codes sur les esprits et sur les corps. Pouvoir de construction des genres, de définitions définitives et de stigmatisations des genres, instaurant la netteté et l'étanchéité de leurs frontières à la seule fin d'asseoir et de soutenir les fondations de la société patriarcale. Ce soir du 16 mars, le souffle de la subversion a porté, amplifié, le jeu sublime de la comédienne.
* l'adaptation que Xavier Dolan a portée au cinéma (en 2015) de la pièce "Juste la fin du monde" fait partie des chefs d'oeuvre du 7ème art. Les interprètes sont tous excellents. Mention spéciale pour Nathalie Baye et pour le regretté Gaspard Ulliel.
J'avais pu découvrir en 2016, grâce à l'interprétation qu'en fit le Quatuor Tana à l'Auditorium de Bourges, l'oeuvre "WTC 9/11" de Steve Reich, compositeur américain contemporain. Ce fut un choc. Musique impressionnante, saisissante de par la complexité de sa composition et la gravité de son sujet. L'auteur l'écrivit en 2010 en hommage aux victimes de l'attaque du World Trade Center du 11 septembre 2001. Le 3 mars, à la MCB avec laquelle le Quatuor Tana est artiste associé, j'ai pu découvrir les oeuvres de Terry Riley, compositeur américain contemporain, "Quatuor à cordes", "Sunrise of the planetary dream collector" et "Requiem for Adam". Phrases courtes, phrases de différentes longueurs, répétitions, silences, dissonances m'ont emportée dans un champ musical inédit, inouï. Les confrontations de sons, de rythmes, de références musicales contemporaines, populaires, de couleurs, par leur juxtaposition, leur écart, leurs contrastes déroutent et déstabilisent. C'est un voyage à travers, dans, au centre de fils, d'éclats et d'ondes, de matières sonores (métal? glace? bois?). Passionnant. Autre.
Janvier 2023 :
And I shall go surely
Into chill purity of light,
Widening eddies of space
Where the stars hang---
A vast translucence,
Thirsty as a desert,
To drink the tiny beam
Of my soul.
Et sûrement j'irai
Vers la froide pureté de la lumière,
Cercles sans cesse élargis de l'espace
Où pendent les étoiles,
Vaste translucence,
Assoiffée comme le désert,
Qui boira la goutte minuscule
Qu'est mon âme.
Extrait du poème In this way going – Ce sera ainsi
de Hortense Flexner – traduction de Marguerite Yourcenar – éditions Gallimard, Paris,1969
Je rends hommage à Christian Gimonet, architecte, personnalité berruyère. Il nous a
quittés le 11 janvier. J'avais exposé sérigraphies et collages lors de la 4ème biennale d'art
contemporain de Bourges en 2008 dans son studio et atelier d'architecture. Je
garde le souvenir émouvant d'un homme généreux, attentif, curieux et riche
d'une grande culture. Avec courtoisie, avec fidélité, il m'avait
gratifiée de sa visite aux vernissages de quelques-unes de mes expositions.
Décembre 2022 : le documentaire "Pour la beauté du geste" que Marie Guilloux consacre à Laurence Equilbey, cheffe d'orchestre, directrice musicale d'Insula Orchestra, présente une femme déterminée, rigoureuse et ouverte à des expériences musicales risquées car associées à des chorégraphies contemporaines insolites, à des conceptions de décors plastiques novatrices, fruits d'intrications de références à l'art circassien, aux danses actuelles, aux créations picturales. On ne peut que tomber sous le charme de Laurence Equilbey, son élégance, sa fantaisie, son regard, sa beauté. Une séquence la filme décrivant le deuxième mouvement de La Pastorale, symphonie n° 6 de Beethoven, avec des pièces emboîtables de toutes les couleurs, un vert indiquant le retour, la récurrence d'un thème qui rebondit en cadence sur toute une ligne. C'est une sculpture colorée qui se forme et on pense aux touches d'ivoire du piano, aux notes qui voltigent et passent d'une mesure à l'autre. La caméra se pose sur une page de la partition et la musicienne nous confie combien quel passage, bref, de La Pastorale l'enchante et la bouleverse au point de surpasser toute création musicale.
Au musée d’Orsay, sur son
parvis, le zigzag de la file d’attente provoque un méli-mélo de mots venus
d’ailleurs, d’intonations et d’exclamations singulières qui s’entrechoquent.
Malgré le froid glacial, c’est un chant coloré qui virevolte dans ma tête. La
patience a des limites : à l’intérieur, l’agacement pointe sous le silence
convenu d’un public sidéré qui se résigne à attendre longtemps devant le
guichet des vestiaires ; une seule file d’attente rassemble les
visiteur-e-s qui effectuent un retrait et les autres qui effectuent un dépôt.
La confusion règne. Brusquement, je suis indécise devant la 3ème
file d’attente. J’entre ? Je n’entre pas ? « Un Enterrement à
Ornans » de Courbet est posé là au mur comme un cheveu sur la soupe, mal
éclairé. Idem pour « L’Atelier du peintre ». La réalité d’une exposition
des œuvres de l’artiste révolté Edvard Munch dans ce temple massif à la
gloire de l’idéologie bourgeoise du 19ème siècle me gêne et je me
sens en décalage, en porte à faux. Mal à l’aise. Comme si une institution
m’intégrait de fait dans la structure de la relation qu’elle établit avec la
création, pas n’importe laquelle, celle qui perturbe, provoque, déstabilise.
Avec l’indomptable. Le poids de la bien-pensance de la classe sociale
bourgeoise sûre de sa raison et de ses valeurs (argent, pouvoir, propriété) étouffe la
force de la subversion et la renverse à des fins d’autoprotection, par
l’instrumentalisation et par la rentabilisation. Cette appropriation et ce
processus de dénaturation, de dépossession du sens, sont violents. Nous nous
acheminons vers l’insignifiance et les allées et les dédales de ce musée
servent, mettent en scène, le discours de l’insignifiance, celui qui liquide le
sens.
Jackson Pollock, son frère Charles, ont traversé la Grande Dépression, pauvres, fourbus. Leur père, LeRoy Pollock, jusqu’à sa mort en 1933, aura cumulé des emplois saisonniers dans l’Ouest des Etats-Unis, bien obligé de parcourir les routes en tous sens pour ne pas mourir de faim. Après l’apprentissage auprès des meilleurs peintres mexicains de fresques murales, Pollock s’aventurera et participera à ce qu’on nomme l’expressionnisme américain, à l’action painting, au dripping. Joan Mitchell attendra des années pour enfin apprécier la reconnaissance de son travail et de sa création. Son mari, Jean-Paul Riopelle, n’avait pas attendu de si longues années. La fondation Vuitton la met au-devant de la scène, flanquée du peintre Monet. Mitchell entre en expressionnisme comme elle entre en elle-même, attentive, à l’écoute de ses sensations, loyale, en quête de l’expression la plus juste de ses émotions, leur rythme, leur fugacité. Les Nymphéas de Monet (ici exposés majestueusement et tout en sobriété) la guident et je suis perplexe de découvrir (redécouvrir ?!) les peintures de couleurs vives (conçues pour la plupart à Giverny autour de 1924), expressionnistes avant l’heure, de ce peintre ami de Clémenceau. La confrontation des deux univers est audacieuse et fructueuse.
A l’inverse des Impressionnistes, Mitchell peint dans son atelier et transcrit sur la toile les souvenirs, les couleurs, les sons, les odeurs qu’a suscité en elle le paysage de Vétheuil où elle avait choisi de s’ancrer. Peindre exigeait d'elle qu'elle tournât le dos à la fenêtre qui donnait sur le paysage horizontal et limpide. Pour s’ouvrir à ses vibrations, à son inconnu propre, à son intériorité.
Une rétrospective de sa peinture constitue l’autre partie de l’exposition. Les tâtonnements, les doutes, les impasses se succèdent, la matière en blocs épais de camaïeux parfois très sombres s’attarde puis surgissent ses jaunes magnifiques. Les tableaux sont de grand format et sa dernière période offre des peintures monumentales. Les signes, les sons, se jettent sur la toile, des dessins hiéroglyphiques se juxtaposent sur une ligne de rythmes superposés, c’est un enchantement, une puissance d’improvisations et de liberté. Les petits formats sont intelligemment accrochés en juxtaposition comme une suite musicale : ils présentent des textes poétiques courts (de Jacques Dupin, de Frank O’Hara…) écrits en une couleur noire presque grise constituant eux-mêmes une peinture tissée d’aquarelle et de pastel tant le corps des mots alignés s’allie à la matière picturale.
Le public de la haute
bourgeoisie française actuelle a trouvé son musée : s’attrouper pour
déguster ce cher Monet tout en s’étonnant des expériences picturales d’une
américaine originale qui en pinçait pour un coin d’Ile de France. La
rétrospective de l’œuvre de la peintre draine un public bien clairsemé alors
que la confrontation d’une partie de son œuvre à celle du peintre
impressionniste draine un public dense. Monet a toujours la cote et je dirais
que Mitchell le revalorise, à moindre frais. Elle lui donne ici une touche de
plus-value mais l’effet de miroir présente cet avantage de faire fonctionner
dans les deux sens l’admiration et la valorisation. Et la fondation le sait et
elle sait aussi qu’elle ne prend pas de risques, l’opération est rentable.
Après avoir acheté le
nom de la ville de Vendôme (« pour (…) l’utiliser sur des bijoux, en sus
des produits de maroquinerie » in Le
Monde du 24/02/2022) la firme Vuitton (LVMH) se paie le luxe, par cette
exposition de Joan Mitchell, d’ajouter à son image rutilante le soit disant soutien
aux femmes artistes. Une sorte de feminist washing qui solidifie un marketing
haut de gamme. Ça fait plaisir aux collectionneurs et ça conforte les
actionnaires. En cette période post me-too, il est de bon goût et de bon aloi
de mettre en avant et de soigner une posture « féministe ». Comme
Orsay avec la subversion, LVMH intègre à son catalogue la vague néo-féministe
pour l’immobiliser et la chosifier. Institution publique, institution privée,
bras dessus, bras dessous. Le monde de l’art et de la création n’a pas bougé
d’un iota en faveur des femmes et n’a mis en œuvre aucun moyen (technique,
financier) pour infléchir la tendance et tendre vers l’égalité entre femmes et
hommes. De ce monde, constitué de foires, biennales, expositions, fondations,
institutions, galeries, écoles, médias, etc…, fait partie la fondation Vuitton.
Quoi de plus cynique que de présenter un profil vertueux tout en faisant la
pluie et le beau temps pour que les choses ne bougent pas !
Parmi toutes les
expositions que j’ai pu voir ces quelques jours passés à Paris, le prix de
l’entrée à l’exposition Mitchell est le plus élevé et la fondation est le seul
lieu qui exige de ses clients qu’ils jettent, avant d’entrer dans l’établissement,
leur bouteille d’eau à la poubelle. J’ai halluciné : où suis-je ? aéroport ?
stade de foot ?
Quelques heures plus
tard, j’apprends que Bernard Arnault et sa famille sont classés 1ère
fortune mondiale, que le milliardaire a fait partie de l’aréopage accompagnant
M. Macron lors de sa visite officielle à Washington le 1er décembre,
qu’il a été invité à un « dîner fastueux » « en tenue de
gala » « dans une Maison
Blanche lourdement décorée pour les fêtes de Noël », in Le Monde du 03/12/2022.
Les temps sont
difficiles, chantait Ferré.
Sur les escaliers extérieurs du Musée National des Arts Asiatiques Guimet,
Exposition d'oeuvres végétales de Marinette CUECO au Musée de l'Hospice Saint-Roch à Issoudun (Indre) jusqu'au 30 décembre. A voir absolument. Oeuvres magnifiques, fortes et fragiles, de conception fine, structurée et improvisée. C'est un voyage dans l'imaginaire organique d'une nature prolifique. Les espaces du lieu muséal, encore une fois, servent intelligemment, avec délicatesse, les travaux présentés.
Lecture de poèmes de Hilda DOOLITTLE alias H.D. et d'une étude sur sa création cinématographique d'avant garde avec le groupe POOL. Passionnant : l'intrication de ses recherches poétique et visuelle sur l'image, l'écriture de palimpsestes de signes et de hiéroglyphes, la juxtaposition et l'insertion de vers et d'écrits divers (ceux de Sappho par exemple) dans ses "palimptextes". A poursuivre, à décrypter, à approfondir et à déguster.
Juin 2022 : exposition "Allemagne/Années 1920/Nouvelle objectivité/August Sander " au Centre Pompidou. D'une densité et d'une richesse inouies, nombre de documents et de créations découverts, revus, réexaminés touchant les domaines de la peinture, la sculpture, le cinéma, le théâtre, la photo, l'architecture... éminemment politique et subversif. Exposition fleuve comme sait l'organiser depuis son ouverture le centre Beaubourg. Les répercussions et les dédales de questions et de réflexions à développer sont multiples.
capture d'écran de la scène de danse et de séduction entre Louise Brooks et Alice Roberts
dans le film "Loulou" de G. W. Pabst, 1928 - extrait présenté au cours de l'exposition à Beaubourg
Exposition Jean Dubuffet "le preneur d'empreintes" à la Fondation Dubuffet, Paris 6ème. Superbe lieu lumineux un peu guindé et hyper clean où nous nous sommes arrêtés mon fils et moi pour contempler les empreintes de sols, de murs, de pierres, de peau qui ont servi de travaux préparatoires à la série de lithographies des "Phénomènes". Livres illustrés, lithographies dont quelques planches des "Phénomènes" et lithographies par report d'assemblages. Surprenant, provocateur, déstabilisant. Dubuffet est infini dans son voyage du monde des matières.
disque Huang
J’avais découvert en
2016 au sein de la collection permanente du musée des Beaux-Arts de Rennes une
peinture de Shirley Jaffe, devant laquelle je m’étais immobilisée, sujette à
une attraction irrépressible, à une sorte d’hypnotisation (comparable à celle
qui m’engourdit et me dynamise tout autant lorsque j’entre dans une musique de
Stravinski, de Reich). La magie et l’alchimie d’une structure ou d’une
construction ou d’une fabrication me captent et me sidèrent ; je me
trouvais face à l’insondable, au bord d’un précipice et ce péril était
excitant. Au printemps 2022, Beaubourg a offert un bel espace à Shirley Jaffe
pour l’exposition temporaire de quelques-unes de ses œuvres et, accompagnée de
ma fille et de mon fils, j’étais à mon aise pour essayer d’analyser les
ressorts et les cordes de la mécanique singulière qu’actionne la peinture de
l’artiste. Shirley Jaffe nait en 1923 dans le New Jersey, s’établit autour de
Paris en 1949, retourne aux Etats-Unis en 1952 pour un court séjour, découvre Berlin
en 1963-1964, revient à Paris, décède en France en 2016. Elle passe par
l’expressionnisme, cette période est présentée au début de l’exposition et me
touche assez peu. En Allemagne, une transition s’amorce, la gestualité s’efface
au profit d’une abstraction de formes simples, basiques et d’aplats de couleurs
vives. L’artiste avait éprouvé un choc à la vue des papiers découpés de
Matisse, exposés en 1961 au musée des Arts Décoratifs à Paris. Sa peinture se
constitue d’intrications et de superpositions chaotiques d’éléments colorés de
formes en déshérence (je ne perçois aucune référence à des figures ou à des
objets connus), de signes tronqués et cassés parfois réduits à des traits,
segments, ponctuations, brisements. D’une écriture, surgit le vocabulaire
graphique de la dislocation et d’un monde disjoint. Américaine exilée et
résidant en France, la dynamique interne au tableau et la phrase, la formule
rythmée propres à la créatrice la mobiliseront davantage qu’un basculement de
la peinture dans le pop art que mettra en œuvre Roy Lichtenstein en utilisant
et en reportant les techniques graphiques sur la toile, à l’instar d’Andy
Warhol. Ses recherches sur les matières picturales (une rétrospective du
peintre Bonnard au MOMA en 1948 imprègnera sa mémoire) et sur leurs
complémentarités, leurs oppositions au cours des années 1950 réapparaitront
dans ses dessins et ses peintures des années 2000 et enrichirons alors sa
palette de couleurs dégradées, sa construction de poches, d’enclaves contenant
crayonnages, ratures et lignes improvisées. Elle se permet tout.
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